La responsabilité du propriétaire d’un chien qui affole un cheval et entraîne la chute du cavalier

Dans un arrêt en date du 17 janvier 2019 la deuxième chambre civile de la cour de cassation (Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, N° de pourvoi: 17-28.861) a été amenée à se prononcer sur la responsabilité de deux propriétaires de chiens dont le comportement avait entraîné la chute de deux cavalières suite à l’affolement de leurs chevaux.

Je vous propose de prendre connaissance d’un commentaire de cet arrêt.  Des données complémentaires sont  consultables ensuite.

1) Le commentaire de l’arrêt relatif à la responsabilité du propriétaire d’un chien qui affole un cheval et entraîne la chute du cavalier

L’article 1243 du code civil est fondamental en matière de matière de responsabilité du fait des animaux. Selon cet article « le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ». Cette règle de droit était auparavant contenue dans l’article 1385 du code civil. C’est pour cette raison que les articles 1243 et 1385 du code civil sont tous les deux cités dans l’arrêt du 17 janvier 2019 de la deuxième chambre civile de la cour de cassation. Pour des raisons de commodités tant de lecture que d’écriture nous ne citerons par la suite que l’article 1243 du code civil.

Au cas d’espèce deux chiens s’étaient mis à courir vers les chevaux de deux cavalières, sans être agressifs et sans s’approcher à moins de dix mètres des montures. Les chevaux ont été affolés. Les deux cavalières ont fait une chute. Une des cavalières ainsi que ses parents ont assigné les propriétaires de deux chiens et leurs assureurs en indemnisation de leurs préjudices.

Dans un arrêt en date du 5 octobre 2017 la Cour d’appel de Lyon a déclaré les propriétaires des chiens et leurs assureurs responsables de l’accident dont a été victime cette cavalière et les a déclaré tenus in solidum à réparer les dommages causés à la cavalière et à ses parents.

Les propriétaires des chiens et leurs assureurs se sont pourvus en cassation. Un seul moyen était présent dans chaque pourvoi. Dans chaque pourvoi ce moyen était identique.Il reprochait à la cour d’appel d’avoir violé l’article 1243 du code civil.

Les auteurs du pourvoi critiquent la position de la cour d’appel avec ce moyen unique qui se décompose en trois branches, ainsi décrites :

– la cour d’appel a estimé que l’engagement de la responsabilité du gardien de l’animal n’est pas subordonnée au caractère anormal du comportement de celui-ci. Pour les auteurs du pourvoi au contraire la responsabilité du propriétaire d’un animal suppose la preuve du rôle actif de cet animal dans la survenance du dommage et en l’absence de contact avec la victime, le rôle actif de l’animal résulte soit de l’anomalie de sa position, soit de son comportement. Or selon les auteurs des pourvois la cour d’appel avait constaté que les chiens ne s’étaient pas approchés à moins de dix mètres des chevaux. Il n’y avait donc pas eu de contact matériel entre les chiens et la victime ou son cheval. Ainsi, toujours selon les auteurs des pourvois, il n’y aurait donc pas eu de caractère anormal du comportement des chiens, ce qui aurait comme conséquence une absence de responsabilité du gardien de l’animal.

– la cour d’appel a estimé que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage était démontré. La cour d’appel n’aurait ainsi pas tenu compte de ses propres constatations selon lesquelles es chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, n’ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n’ont pas montré une quelconque agressivité à l’encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation.

– la cour d’appel a estimé que le rôle actif des chiens dans la réalisation du dommage était établi en se fondant sur la seule circonstance qu’à la vue des chiens, le cheval de la cavalière victime a été apeuré ou s’est affolé sous l’effet de l’emballement du cheval qui le précédait. Là aussi la cour d’appel n’aurait pas tiré la conséquence de ses propres constatations selon lesquelles les chiens ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux, que, courant dans le chemin, ils n’ont pas eu un comportement exceptionnel ou inhabituel et, en particulier, n’ont pas montré une quelconque agressivité à l’encontre des chevaux et ne se sont pas trouvés en état de divagation.

Toutefois la deuxième chambre civile de la cour de cassation ne va pas suivre le raisonnement présenté par les auteurs des pourvois. Bien au contraire elle va aller dans le même sens que les juges de la cour d’appel.

En effet la cour de cassation va faire un rappel des faits que la cour d’appel a relevé. La cour d’appel avait constaté que :

– les deux cavaliers avaient fait une vingtaine de mètres dans l’impasse dans laquelle ils s’étaient engagés au pas, deux gros chiens qui jouaient ensemble se sont soudain mis à courir vers eux,

– ces deux chiens de grosse taille, débouchant du talus en surplomb en courant en direction des chevaux, ont manifestement affolé celui de M. F… , quand bien même ils ne se sont pas approchés à moins de dix mètres des chevaux et n’ont montré aucune agressivité et que la chute de Mme E…, cavalière confirmée et de très bon niveau, ne peut s’expliquer que par l’emballement de son propre cheval, soit du fait des chiens, soit du fait du cheval de M. F… lui-même affolé par les chiens

– le fait que ces deux gros chiens non tenus en laisse soient arrivés en courant d’un talus en surplomb non visible a accentué l’effet de surprise et de peur au moins pour le premier cheval

Pour la cour de cassation la cour d’appel avait ainsi parfaitement caractérisé le comportement anormal des chiens. La cour d’appel pouvait ainsi, par ces seuls motifs et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche du moyen, retenir que les propriétaires des chiens à l’origine du dommage, devaient indemniser la cavalière et ses parents.

L’intérêt de cette décision de la cour de cassation réside dans présence dans la notion du comportement anormal des chiens. Plusieurs commentaires qu’il nous a été donné de lire concernant cette décision de la cour de cassation estiment que la cour de cassation pose ainsi en principe que la responsabilité du fait des animaux ne peut être retenue qu’en présence d’un comportement anormal des animaux en cause.

Nous ne partageons pas nécessairement cette opinion car la rédaction de l’arrêt rendu par la cour de cassation est à notre avis insuffisant, peu clair et finalement défaillant.

En effet il est possible de soutenir que la cour de cassation dans son raisonnement répond simplement aux questions qui lui sont posées. Les auteurs des pourvois fondaient ceux-ci sur l’absence de caractère anormal du comportement des chiens. Ceci est particulièrement visible à la lecture des deuxième et troisième branches du moyen unique. La cour de cassation se contente donc de répondre aux questions qui lui ont été posées dans ces branches du moyen unique. Autrement dit on lui demande s’il y a eu un caractère anormal du comportement des chiens et la cour de cassation répond de façon positive à cette interrogation. Oui il y a eu un caractère anormal du comportement de ces deux chiens. Cela ne signifie par pour autant que la cour de cassation impose la présence du caractère anormal du comportement des animaux pour retenir la responsabilité du fait des animaux.

Il est nécessaire d’ailleurs de compléter notre raisonnement en tenant compte de la première branche du moyen unique. Cette branche critiquait la position de la cour d’appel en lui reprochant d’avoir estimé que l’engagement de la responsabilité du gardien de l’animal n’est pas subordonnée au caractère anormal du comportement de celui-ci. La cour de cassation ne répond pas précisément par rapport à cette première branche du moyen unique puisqu’elle fait abstraction des motifs surabondants critiqués par cette branche.

Là aussi deux lectures sont possibles. On peut estimer que si le caractère anormal du comportement de l’animal était une exigence la cour de cassation n’aurait pas manqué de l’indiquer en répondant à cette première branche et en prononçant alors la cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel.

Malheureusement une autre interprétation est possible. Selon cette seconde interprétation répondre à la première branche était inutile puisqu’il a été répondu à la deuxième et à la troisième branche du moyen unique. Ainsi il y a aurait bien une exigence d’une présence du caractère anormal du comportement de l’animal pour retenir la responsabilité du faits des animaux.

Ce flou instauré par la réponse de la cour de cassation est assez désagréable. Après plus de deux cent ans d’existence la cour de cassation veut désormais veut plus de prévisibilité dans les décisions de justice . Pour atteindre cet objectif la cour de cassation devra commencer par rendre ses propres arrêts plus clairs.

2) Données complémentaires

Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 janvier 2019, N° de pourvoi : 17-28.861.

ECLI:FR:CCASS:2019:C200060

Décision attaquée : Cour d’appel de Lyon , du 5 octobre 20172