Dans un arrêt en date du 10 novembre 2021 la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision intéressante concernant la sous-traitance (1).
Dans ce dossier un entrepreneur principal était bénéficiaire d’un marché. Il avait confié à une autre entreprise la mission d’exécuter à sa place une partie de ce marché. Il y a là classiquement une opération juridique qui doit être qualifiée de sous-traitance. Pourtant cette qualification juridique était contestée par l’entrepreneur principal. En effet selon lui la qualification à retenir était celle d’un mandat. Naturellement l’entreprise sous-traitante contestait cette analyse et soutenait la présence d’un contrat de sous-traitance.
Pour la Cour de cassation, qui confirme ainsi la position qu’avait prise la Cour d’appel, nous sommes bien en présence d’un contrat de sous-traitance. Pour parvenir à cette solution la Cour de cassation relève que la Cour d’appel a fait plusieurs constatations desquelles il ressortait que l’entrepreneur principal était titulaire d’un contrat d’entreprise et que le contrat par lequel l’entrepreneur principal a confié au sous-traitant l’exécution d’une partie de ses missions est un contrat de sous-traitance.
La Cour de cassation tranchait ainsi un premier problème juridique mais elle devait ensuite se prononcer sur un second problème juridique, lequel portait sur la détermination des sanctions applicables en l’absence d’un engagement de caution en faveur du sous-traitant.
En effet selon l’article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 le sous-traitant doit être bénéficiaire d’un engagement de caution. C’était bien le cas au début de la relation contractuelle avec l’entrepreneur principal. Toutefois l’engagement de caution dont était bénéficiaire le sous-traitant avait une durée limitée dans le temps.
Lorsque la durée de cet engagement de caution a expiré le sous-traitant a demandé une prolongation de l’engagement de caution. Toutefois cette prolongation n’a pas été faite. Le sous-traitant a alors suspendu ses travaux. L’entrepreneur principal a alors estimé que le sous-traitant avait abandonné le chantier et à titre de sanction il a résilié le contrat de sous-traitance.
Sur ce point particulier la Cour d’appel avait estimé que le sous-traitant avait le droit de suspendre ses travaux dès lors qu’il ne bénéficiait plus d’un engagement de caution. Cette suspension, selon la Cour d’appel, ne constituait pas, dans ces conditions spécifiques, un abandon de chantier et la résiliation du contrat faite par l’entrepreneur principal était dès lors sanctionnable.
Toutefois la Cour de cassation n’allait pas suivre ce raisonnement. En effet en se fondant sur la loi de 1975 relative à la sous-traitance la Cour de cassation a estimé que le sous-traitant ne peut pas suspendre l’exécution du marché. Selon elle le sous-traitant peut résilier le contrat ou demander la nullité du contrat, sur le fondement de l’article 14 de la loi précitée, mais il ne peut pas suspendre ses travaux. A partir du moment où le sous-traitant suspend ses travaux il effectue effectivement un abandon du marché et dès lors c’est lui qui devient sanctionnable. Ainsi dès lors que le sous-traitant n’utilise pas les sanctions dont il dispose il se voit contraint d’exécuter le marché. La non exécution du marché l’expose à voir le contrat résilié à ses torts pour abandon du chantier.
Note de bas de page :
(1) Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 novembre 2021, 20-19.372