La simplification du droit passe par l’exclusion de la polysémie : l’exemple du terme sous-traitant

Souvent confondue avec l’homonymie la polysémie désigne un mot ou une expression qui présente plusieurs sens ou qui dispose de différentes significations. L’ambiguïté lexicale polysémique est susceptible d’être une source de confusion. Cette confusion est dangereuse car elle peut entraîner des erreurs. Cette dangerosité est particulièrement prononcée dans les matières où la précision est requise et où cette précision résulte en grande partie des termes utilisés. Tel est exactement le cas de la matière juridique.

Il est aisé de comprendre que dans le domaine juridique où la précision terminologique est essentielle le recours à des termes frappés du sceau de l’ambiguïté doit être exclu. Malheureusement alors que la simplification du droit demeure un but à atteindre on peut constater que les textes applicables ne sont pas rédigés avec le plus grand soin à tels points qu’au lieu de supprimer des situations ambiguës ils peuvent en créer des nouvelles.

L’exemple qui nous vient le plus rapidement à l’esprit réside dans la notion de sous-traitance et plus particulièrement dans le terme sous-traitant. En effet ce terme dispose d’un sens pour l’application de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et d’un autre sens pour l’application du RGPD. L’existence de plusieurs définitions pose des difficultés qui imposent aux parties à un contrat d’être vigilantes et de subvenir aux carences des institutions européennes lors de la rédaction du RGPD qui ne participe pas à la clarification du droit.

1) Le sous-traitant au sens de la loi de 1975

Classiquement pour définir la sous-traitance on s’en rapporte à l’article 1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Cet article dispose que la sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage.

Ainsi cet article donne la définition de la sous-traitance et les éléments caractéristiques permettant de retenir la qualification juridique de sous-traitant. Doit répondre à la qualification de sous-traitant la personne qui exécute tout ou partie d’un contrat d’entreprise, ou d’une partie d’un marché public, dont un entrepreneur est titulaire.

2) Le sous-traitant au sens du RGPD

Cette définition jusqu’alors unique du sous-traitant est concurrencée par une autre définition depuis l’entrée en vigueur du règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (ce règlement est généralement désigné par les termes « règlement général sur la protection des données » ou par l’abréviation « RGPD »). En effet ce règlement prévoit en son article 4 que le sous-traitant est la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement.

3) Les difficultés entraînées par la présence de plusieurs définitions pour un même terme

La loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance et le RGPD sont ainsi des textes qui donnent chacun leur propre définition du sous-traitant. Il est donc essentiel de bien distinguer le sous-traitant au sens de la loi de 1975 (nous le désignerons par la suite sous le terme « sous-traitant commercial ») du sous-traitant au sens du RGPD (nous le désignerons par la suite sous le terme « sous-traitant de données personnelles ») puisque par l’effet de ces textes ils ne vont pas devoir respecter les mêmes obligations.

Si la distinction peut sembler aisée à la simple lecture des définitions données tant par la loi de 1975 que par le RGPD il en va autrement en pratique, a fortiori en présence de données contractuelles complexes.

Ainsi pour un même contrat une personne peut intervenir en qualité de sous-traitant commercial et également en qualité de sous-traitant de données personnelles. Toutefois en fonction des accords conclus cette personne pourrait intervenir uniquement en qualité de sous-traitant commercial ou uniquement en qualité de sous-traitant de données personnelles.

Pour rendre la situation encore plus obscure pour l’exécution d’un même contrat une personne peut se voir reconnaître la qualité de sous-traitant de données personnelles pour certaines prestations et se voir reconnaître la qualité de responsable de traitement pour d’autres prestations et là aussi selon la qualification à retenir ce ne sont pas les mêmes obligations qu’il sera nécessaire de respecter.

4) Les parties à un contrat doivent être vigilantes

En raison de l’ambiguïté liée désormais au terme sous-traitant les parties à un contrat doivent veiller à bien distinguer lors de la rédaction de celui-ci, et lors de son exécution, le sous-traitant commercial du sous-traitant de données personnelles. Cette distinction ne sera pas toujours aisée, d’autant plus que les parties peuvent ne pas nécessairement avoir des compétences juridiques étendues et que les situations factuelles sont en général plus compliquées que ce que le seul contenu des textes pourrait laisser supposer.

Dans le sens de la distinction à établir une possibilité serait de ne pas utiliser dans le contrat le terme sous-traitant de façon isolée et de toujours le faire suivre d’un autre terme. Ainsi comme effectué dans le présent article l’usage des termes sous-traitant commercial et sous-traitant de données personnelles pourrait aider à procéder à cette distinction.

5) La clarification du droit ne passe pas par les institutions européennes

Le choix du terme sous-traitant par le RGPD est donc totalement malvenu et les instances européenne auraient été particulièrement avisées d’utiliser un autre terme mais visiblement faire preuve de compétence est trop demander à celles-ci. Elles auraient ainsi participé à l’effort de clarification du droit mais, au vu du résultat et au-delà des grandes déclarations d’intention, participer à l’obscurantisme du droit pour elles c’est mieux.

6) Pour aller plus loin

– Accès au texte du règlement général sur la protection des données.

– Accès au texte de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.