Jâai rĂ©cemment publiĂ© un short sur YouTube au sujet dâun article publiĂ© par PĂ©rine Schir, thĂ©sarde en philosophie politique, sur Slate. En rĂ©sumĂ©, son analyse consiste Ă affirmer quâun succĂšs du Rassemblement National aux Ă©lections europĂ©ennes serait une consĂ©quence de la prĂ©sence dâĂric Zemmour dans lâarĂšne politique et non une adhĂ©sion Ă la politique souhaitĂ©e par le Rassemblement National.
Comme je lâai expliquĂ© prĂ©cĂ©demment, ce raccourci trompeur est facile Ă dĂ©monter. En effet, lors des Ă©lections europĂ©ennes de 2019, le Rassemblement National a remportĂ© les Ă©lections europĂ©ennes en France, alors quâĂric Zemmour nâĂ©tait pas dans lâarĂšne politique.
La rĂ©alitĂ© est donc plus complexe que celle dĂ©crite par PĂ©rine Schir, dâautant plus que celle-ci ne tient pas compte de plusieurs Ă©lĂ©ments importants.
Un Ă©lĂ©ment important dont il faut tenir compte Ă mon sens rĂ©side dans le mode de scrutin. En effet, ces Ă©lections se dĂ©roulent avec un scrutin proportionnel de liste. Ce type de scrutin, contrairement Ă un scrutin majoritaire, favorise une plus grande diversitĂ© concernant les partis politiques et offre une reprĂ©sentation plus Ă©quilibrĂ©e des diffĂ©rents courants politiques, alors quâun scrutin majoritaire peut conduire Ă une polarisation du paysage politique.
PrĂ©sentement, ce scrutin proportionnel de liste ne comporte quâun tour. Cela est important car en France, entre les deux tours, souvent des partis politiques sâaccordent pour annoncer la nĂ©cessitĂ© de faire un barrage au Rassemblement National, au nom des fumeuses valeurs rĂ©publicaines. Câest la thĂ©orie du fameux « vote utile » qui fausse la sincĂ©ritĂ© des Ă©lections en abusant de la crĂ©dulitĂ© des Ă©lecteurs. Ce risque Ă©tant moindre en prĂ©sence dâun seul tour, les Ă©lecteurs semblent plus Ă mĂȘme de voter pour la liste qui est la plus conforme Ă leur souhait vĂ©ritable.
Un autre Ă©lĂ©ment important dont il faut tenir compte m’est venu Ă la lecture du livre « Etat de siĂšge » de MichaĂ«l Wolff. Dans ce livre, lâauteur cite Steve Bannon qui, Ă lâapproche des Ă©lections europĂ©ennes de 2019, avait remarquĂ© que les Ă©lections europĂ©ennes sont traditionnellement celles qui rencontrent le plus dâabstention. Il est exact quâen France, les Ă©lections europĂ©ennes se distinguent par un fort taux dâabstention. Ainsi, on peut estimer que les personnes qui votent sont celles qui sont les plus motivĂ©es. DĂšs lors, contrairement Ă la conclusion de PĂ©rine Schir, les Ă©lecteurs du Rassemblement National Ă ces Ă©lections votent parce quâils sont rĂ©ellement motivĂ©s par les propositions de ce parti, Ă dĂ©faut ils ne se rendraient pas aux urnes.
Jâaurais aimĂ©, Ă la lecture de lâarticle de cette personne, quâelle nous donne sa dĂ©finition de lâextrĂȘme droite. Elle ne semble avoir que ce mot Ă la bouche et inclure dans celui-ci Ă peu prĂšs tout ce qui nâest pas Ă gauche, laquelle semble correspondre Ă sa propre idĂ©ologie politique, possiblement dans sa forme la plus extrĂȘme justement.
Ainsi, elle inclut dans ce terme le Rassemblement National, Ăric Zemmour, ReconquĂȘte, voire Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq et Michel Onfray, Ă moins que pour ces trois derniers elle se contente de les classer dans ses chers producteurs idĂ©ologiques illibĂ©raux, sa phrasĂ©ologie manquant de clartĂ© sur ce point prĂ©cis.
En effet, le terme extrĂȘme droite est tellement galvaudĂ© aujourdâhui que lâon a tendance Ă mettre dans cette classification tout ce qui ne fait pas allĂ©geance aux idĂ©es de la gauche. On aimerait donc avoir une dĂ©finition claire et prĂ©cise de ce terme par lâauteur de lâarticle qui se contente de citer un mot valise sans la moindre dĂ©monstration.
Des personnes qui travaillent sĂ©rieusement sur cette thĂ©matique font ainsi preuve dâune certaine prudence dans lâusage de ce terme. Ainsi, dans un dĂ©bat dont la version audio est consultable sur Radio France, le politologue Jean-Yves Camus estimait quâaujourdâhui, lâextrĂȘme droite est reprĂ©sentĂ©e, par beaucoup dâobservateurs, mais pas tous, par le Rassemblement National, et Ă©ventuellement par ReconquĂȘte !, le parti dâĂric Zemmour, ajoutant que ce nâest pas son avis, ce qui revient donc Ă affirmer que selon lui, Ăric Zemmour et ReconquĂȘte ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme appartenant Ă lâextrĂȘme droite. Sur Cnews, il prĂ©cise son propos concernant le Rassemblement National, indiquant Ă©carter le terme extrĂȘme droite pour lui prĂ©fĂ©rer lâexpression « droite radicale ».