Le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle entraĂźne d’Ăąpres discussions s discussions Ă son Ă©gard. Elle constitue une avancĂ©e technologique indĂ©niable, pour le meilleur selon ses admirateurs, pour le pire selon ses dĂ©tracteurs. Les propos portent sur les domaines les plus divers dans lesquels lâintelligence artificielle peut sâappliquer. Je souhaiterais prĂ©sentement approfondir la discussion sur le domaine artistique, plus prĂ©cisĂ©ment la crĂ©ation Ă©crite et musicale, oĂč les reproches consistent en substance Ă dire que la crĂ©ation par lâintelligence artificielle ne serait pas celle dâun auteur vĂ©ritable. Il y aurait ainsi une tromperie du consommateur, celui-ci serait abusĂ©. Il penserait que la crĂ©ation viendrait de la personne qui se prĂ©tend ĂȘtre lâauteur de lâoeuvre alors quâil nâen est rien, cette crĂ©ation ayant Ă©tĂ© faite par lâintelligence artificielle.
Dans le domaine littĂ©raire la crĂ©ation dâun livre par une personne autre que son prĂ©tendu auteur officiel nâest pas une nouveautĂ©. Le phĂ©nomĂšne des ghosts writer est une rĂ©alitĂ© depuis de nombreuses dĂ©cades. Dans ce cadre celui sous le nom duquel le livre est publiĂ© nâest pas son auteur vĂ©ritable. Lâexistence et lâidentitĂ© de ce dernier resteront le plus souvent dissimulĂ©es. Si cette situation est connue lorsquâon lâenvisage en prenant en considĂ©ration lâensemble de la production littĂ©raire, elle est par contre passĂ©e sous silence au niveau individuel, chacun se gardant bien de faire Ă©tat de ces faits.
Sont Ă ce niveau notamment concernĂ©s les personnalitĂ©s politiques. Si certains rĂ©digent bien les ouvrages publiĂ©s sous leur nom, et une partie avec un talent Ă©vident tel en son temps le GĂ©nĂ©ral de Gaulle dans, notamment, ses mĂ©moires de guerre, dâautres ne sont pas les vĂ©ritables auteurs de ces livres, ayant recours aux services dâun ghost writer.
Mais cela ne concerne bien Ă©videmment pas que les personnalitĂ©s politiques puisque dâautres types dâauteurs utilisent cette technique, quelquefois avec des variantes qui peuvent prendre une allure industrielle. James Patterson est lâĂ©crivain le plus riche au monde. Son domaine de prĂ©dilection concerne les thriller, mĂȘme sâil a fait des incursions dans dâautres genres. Selon lefigaro.fr en 2012 le magazine Forbes a affirmĂ© quâil Ă©tait lâĂ©crivain le plus riche au monde avec un revenu annuel pour 2011 sâĂ©levant Ă 94 millions de dollars et des ventes, cumulĂ©es vraisemblablement, sâĂ©levant Ă 200 millions dâexemplaires de part le monde. En 2016 ses livres lui rapportaient 269 millions de dollars, prĂ©cise lefigaro.fr dans un autre article. Selon un article de The Telegraph publiĂ© en 2014, de lâannĂ©e 2001 Ă lâan 2014 James Patterson a de façon continue Ă©tĂ© lâauteur le plus vendu au monde. En juillet 2010 il devient le premier auteur a avoir dĂ©passĂ© le million de ventes de livres numĂ©rique, record battu par lui-mĂȘme dĂšs le mois dâoctobre 2010 puisquâil parvient alors Ă dĂ©passer le nombre de deux millions de vente sur ce support. En juin 2011 il pulvĂ©rise de nouveau ce record, atteignant trois millions dâexemplaires de livres numĂ©riques vendus. Les chiffres Ă ce jour doivent ĂȘtre nettement supĂ©rieurs. La masse de ses fans est sans doute encore plus importante que ces chiffres puisquâaux lecteurs qui achĂštent des livres neufs il faut ajouter ceux qui font lâacquisition de livres dâoccasions ou qui sont abonnĂ©s Ă des bibliothĂšques.
Mais James Patterson nâĂ©crit pas ses livres, ou, pour ĂȘtre plus exact, il nâĂ©crit plus ces livres car une Ă©volution sâest produite au fil du temps. En effet selon lefigaro.fr James Patterson sâest progressivement entourĂ© dâun personnel composĂ© dâune vingtaine de personnes. Cette Ă©quipe rĂ©dige quantitĂ© dâouvrages pour lui, son travail personnel portant essentiellement sur la fourniture dâun synopsis.
Je tire trois enseignements de la mĂ©thode de travail de James Patterson. Le premier enseignement rĂ©side dans le fait que James Patterson applique ainsi une des leçons que NapolĂ©on Hill expose dans son livre intitulĂ© « RĂ©flĂ©chissez et devenez riche ». Il a constituĂ© un cerveau collectif qui comprend le sien et celui des personnes qui travaillent pour lui pour la rĂ©daction des ouvrages. Câest ce cerveau collectif qui lui permet dâatteindre son objectif visant Ă publier une quantitĂ© industrielle dâouvrages pour atteindre la richesse.
Le second enseignement rĂ©side dans la comparaison de la situation et de la mĂ©thode de travail de James Patterson avec lâapport de lâintelligence artificielle dans le domaine de lâĂ©criture. Il y a une grande similitude. James Patterson publie des ouvrages qui ne sont pas de lui, sans que cela ne semble Ă©mouvoir grand monde, pire avec lâadhĂ©sion du plus grand nombre, et lâintelligence artificielle permet de parvenir au mĂȘme rĂ©sultat dâune façon similaire. Je ne vois lĂ aucune distinction entre ces deux situations et je ne comprends pas pourquoi ce qui serait noble et estimable dans le premier cas deviendrait immonde dans le second, les seules considĂ©rations pouvant alors ĂȘtre purement idĂ©ologiques voire une volontĂ© de dĂ©fendre sa boutique, puisque bon nombres dâauteurs sont confrontĂ©s Ă une crainte de perdre des parts de marchĂ©.
Le troisiĂšme enseignement rĂ©side dans le fait quâavec lâintelligence artificielle nous pouvons tous disposer dâun cerveau collectif conformĂ©ment aux leçons de NapolĂ©on Hill. Nous pouvons amĂ©liorer nos compĂ©tences dans les domaines les plus divers. Cela peut passer par une application brutale de lâintelligence artificielle, en lui demandant sâimpliquant dâexĂ©cuter une tĂąche bien prĂ©cise, mais on peut aussi faire Ćuvre dâune application plus fine, en raisonnant avec lâintelligence artificielle, en discutant avec elle, en faisant Ă©voluer notre rĂ©flexion et nos analyses, Ă lâinstar de ce que lâon pourrait faire avec un groupe de personnes.
Dans le domaine musical le dĂ©veloppement de lâintelligence artificielle est Ă©galement critiquĂ©. Pourtant dans ce domaine aussi la rĂ©alitĂ© est travestie de longue date, dans des proportions bien pires quâau niveau littĂ©raire. Les musiciens connus qui chantent ou jouent des titres qui ne sont pas dâeux est incalculable tant ils sont lĂ©gions. Cela peut transparaĂźtre lorsque les Ćuvres musicales sont sur un support physique avec un livret dĂ©taillant le nom des auteurs rĂ©els mais le plus souvent le public nâest pas au courant de cette situation.
Sans ignorer les nombreux cas de plagiats ni le fait que lâindustrie musicale tourne dans son immense majoritĂ© autour des fameux quatre accords magiques, bien quâen rĂ©alitĂ© si on veut ĂȘtre prĂ©cis il faudrait plutĂŽt parler dâune progression magique permettant dâobtenir quatre accords qui sonnent agrĂ©ablement aux oreilles des individus, je souhaite aborder le cas des personnes qui sous traitent la crĂ©ation musicale Ă des musiciens.
David Guetta est le cas typique. TrĂšs connu au point dâavoir Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme le DJ numĂ©ro un au monde celui-ci, Ă lâinstar de James Patterson dans le domaine littĂ©raire, sâinscrit dans un phĂ©nomĂšne dâindustrialisation et de vente sous son nom dâoeuvre dont il nâest frĂ©quemment pas lâauteur rĂ©el, celles ci Ă©tant le fruit de travail dâautres DJ, en particulier de celui de Joachim Garraud. Plus quâun musicien David Guetta est un producteur et une marque.
Certains styles musicaux semblent dâailleurs plus enclin que dâautres Ă lâemprunt de travail dâautres personnes. Ainsi outre les DJ qui sont en premiĂšre ligne dans ce domaine lâusage de sample permet au rap dâarriver au mĂȘme rĂ©sultat. Le succĂšs du titre «  Je danse le mia » du groupe Iam repose en grande partie sur le sample du titre Give Me the Night du guitariste et chanteur amĂ©ricain George Benson, une situation comparable se reproduit avec une multitude de groupe relevant de ce style musical.
Dans ces divers exemples le processus crĂ©atif est pour lâessentiel le fruit dâune personne restant dans lâombre. La personne connue nâest pas lâauteur de la part essentielle de lâoeuvre. Il nây a donc pas dans ce domaine Ă pousser les cris dâorfraie que lâon peut entendre contre lâintelligence artificielle, Ă moins dâaller jusquâau bout du raisonnement, qui reviendrait alors Ă supprimer les styles musicaux prĂ©citĂ©s.