Bibliographie en L1 Droit : comment elle peut couler les étudiants

Lors des séances de travaux dirigés, les chargés de travaux dirigés distribuent des plaquettes de TD, celles-ci peuvent aussi être disponibles sous format pdf en plus de support papier. Dans les premières séances ces plaquettes comportent généralement des bibliographies pour aider les étudiants à choisir des ouvrages et ces ouvrages en vocation à leur permettre de réussir leurs études.

J’ai pris connaissance l’année dernière de bibliographies données en TD pour les L1 Droit, en droit civil et en droit constitutionnel et j’ai trouvé ces bibliographies assez catastrophiques et inadaptées pour des étudiants en L1 Droit.

1) Des bibliographies inadaptées pour des étudiants en L1 Droit

Les bibliographies en cause peuvent contenir des ouvrages trop anciens, voire pour certains trop anciens et trop complexes. Aussi bien le droit civil que le droit constitutionnel sont touchés. Sont ainsi conseillés des ouvrages non mis à jour depuis le décès des auteurs, ainsi que d’autres dont les auteurs sont encore vivants mais qui n’ont pas rédigé une édition récente, ou encore des ouvrages publiés par un éditeur avec lequel l’auteur ne travaille plus depuis des années pour ce livre.

a) Des ouvrages trop anciens

Il ne faut pas oublier que les étudiants en L1 Droit sont des étudiants qui débutent. Ils ne disposent d’aucune expérience et formation en matière juridique. Certains peuvent même être un peu perdus. Je ne pense pas que leur donner des bibliographies complètement dépassées constitue une mesure de nature à leur rendre service.

Sur certaines bibliographies on a l’impression que la personne qui a fait celle-ci à réalisé cette tâche il y a une dizaine d’années, voire plus, et qu’elle ne fait aucune mise à jour ensuite. Elle donne l’impression d’avoir fait cette bibliographie une fois pour toute. Or ce caractère unique n’est pas acceptable. En effet les ouvrages vont devenir vieux au fil du temps et d’autres ouvrages vont apparaître sur le marché. Il faut donc chaque année faire une mise à jour de la bibliographie.

b) Des ouvrages trop anciens et trop complexes

Certains ouvrages anciens sont cités car vraisemblablement ils ont eu une grande importance. Leurs auteurs sont considérés comme étant de grands juristes. Mais lorsque ces ouvrages sont vieux et dépassés la problématique reste la même. Pour un étudiant en L1 Droit les ouvrages dont il a besoin sont des ouvrages à jour, pas des ouvrages anciens et dépassés, totalement déconnectés du droit positif. En outre une partie de ces ouvrages anciens considérés comme étant de grands ouvrages sont des ouvrages qui peuvent être trop complexes pour des étudiants qui débutent. Ils sont plus adaptés pour des étudiants dont la formation est plus avancée. Pour des étudiants en L1 Droit ces ouvrages ont donc une double tare : ils sont trop vieux et ils sont trop complexes. L’utilité pour eux est égale à zéro.

c) Des exemples en droit civil

Jean Carbonnier est un grand juriste et un grand auteur en ce qui concerne les livres de droit. Son Flexible Droit est un classique. Aux étudiants en L1 Droit on leur conseille de lire son livre de droit civil dédié aux personnes. Le problème c’est que le doyen Carbonnier est décidé en 2003 et que la dernière édition de l’ouvrage dont la lecture est conseillée a été éditée en 2002. Il est donc évident, sans contester la qualité de la plume de Jean Carbonnier, que ce livre de droit est totalement dépassé par rapport au droit positif. Son contenu est obsolète.

La même analyse et le même constat s’imposent pour le livre de Gérard Cornu dédié lui aussi aux personnes. Antérieurement la notoriété de cet ouvrage était tellement répandue dans le milieu juridique qu’on l’appelait simplement « Le Cornu ». Mais Gérard Cornu est lui aussi décédé. Il nous a quitté en 2007 et la dernière édition de ce livre de droit remonte justement à cette année là. Là encore il n’est pas question de contester le talent de cet auteur mais simplement de voir la réalité en face. Ce livre est vieux, il n’est pas récent, il n’est pas d’actualité, le droit a évolué depuis.

d) Des exemples en droit constitutionnel

Les exemples précédents concernent le droit civil, mais le droit constitutionnel est également touché. La situation est même peut être pire.

Il est de nouveau important de rappeler que nous évoquons le cas d’étudiants en L1 Droit, d’étudiants qui débutent. Ils ont besoin de livres récents pour les aider à développer leurs connaissances, à comprendre les cours et la matière concernée par ces cours et à réussir leurs examens.

Ne répond visiblement pas à cette nécessité le conseil de lire des ouvrages tels que celui de Georges Burdeau « l’Etat » publié en 1970, celui de Georges Vedel « Manuel Élémentaire de droit constitutionnel » publié en 1984, celui de Léon Duguit « Traité de droit constitutionnel », publié en 1972, ceux de Carré de Malberg « Contribution à la théorie générale de l’état », publié en 1985 et « la loi, expression de la volonté générale » publié en 1984, ou encore le « système politique français » de Maurice Duverger publié en 1996.

Il ne s’agit pas de contester la qualité de ces livres ou de leurs auteurs, bien au contraire le niveau d’excellence de ces auteurs et de leurs ouvrages est reconnu mais il est nécessaire d’adapter la bibliographie aux besoin des étudiants de L1 Droit. Ces ouvrages sont trop anciens. Pour des étudiants en L1 Droit ces ouvrages ne sont pas utiles. Ils auront bien le temps plus tard, s’ils poursuivent leurs études et qu’ils s’orientent vers le droit constitutionnel, de les lire mais clairement ce n’est pas le moment.

e) Des défunts, des ouvrages sans nouvelle édition, des auteurs partis chez d’autres éditeurs

Les exemples précités, aussi bien pour le droit civil que pour le droit constitutionnel, concernent des personnes qui, à ma connaissance, sont décédées. Mais il y a d’autres cas où des bibliographies données par certains enseignants ne sont pas appropriées

Ainsi il y a des auteurs qui sont toujours vivants mais dont les ouvrages semblent depuis plusieurs années ne pas avoir fait l’objet d’une nouvelle édition. Ils ne sont donc plus à jour et ces ouvrages là ne sont, eux aussi, en conséquence pas utiles.

Ainsi mesdames Christèle Coutant-Lapalus et Lætitia Stasi avaient rédigé un livre de droit civil dédié aux personnes, aux incapacités et à la famille, publié chez Paradigme. A ma connaissance la dernière édition remonte à 2010. Je n’ai pas trouvé une édition plus récente. On ne voit donc pas l’utilité de citer ce livre dans une bibliographie pour des étudiants en L1 Droit.

De même monsieur Thierry Garé a publié un ouvrage consacré au droit des personnes et de la famille chez Montchrestien. La lecture de cet ouvrage est conseillé dans une bibliographie. Toutefois la dernière édition semble remonter à 2004. Il n’est donc pas sérieux de conseiller la lecture de ce livre qui date d’une quinzaine d’année. Par la suite cet auteur a publié d’autres livres chez d’autres éditions, dont certains d’ailleurs dans la même matière. Mais c’est bien l’ouvrage publié chez Montchrestien qui était cité dans la bibliographie.

2) Des propositions pour faire des bibliographies adaptées aux étudiants en L1 Droit

Il apparaît clairement qu’une partie des ouvrages cités dans des bibliographies données à des étudiants en L1 Droit sont cités en réalité un peu n’importe comment. Ils ne sont pas adaptés à ces étudiants, à leur niveau actuel, à leurs besoins, au fait que ce sont des débutants dans le domaine juridique. Le travail de mise à jour de la bibliographie n’est pas fait. Des données sont incorrectes. Des ouvrages sont trop vieux et inutiles si ce n’est dangereux en raison de leur obsolescence. Certains en outre sont trop complexes pour des débutants, ils doivent concerner des étudiants dont la formation est plus avancée.

Il est possible de rompre avec cette mauvaise habitude. Pour aller dans le sens de cette rupture et pour parvenir à la fourniture de bibliographies adaptées pour les L1 Droit nous proposons deux solutions. Ces deux propositions imposeront de faire des mises à jour chaque année. Évidemment cela est plus contraignant que de faire une bibliographie une seule fois dans toute sa vie. Mais c’est le prix à payer pour faire une travail de qualité.

a) Une bibliographie courte

Cette première proposition consiste tout simplement à faire une bibliographie très restreinte. Il faut rédiger une liste qui ne concerne que les ouvrages à jour et, bien évidemment, de qualité.

Seuls les ouvrages récents doivent être dans cette liste. Une bibliographie comportant des ouvrages de référence plus anciens et plus complexes sera donnée ultérieurement par d’autres enseignants les années suivantes si les étudiants poursuivent leurs études en droit et en fonction des matières exactes qu’ils choisiront alors.

b) Une bibliographie en deux parties

Pour les enseignants qui désirent absolument mettre dans la bibliographie des ouvrages anciens la solution est très simple. Il suffit de faire deux listes distinctes.

Une première liste d’ouvrage ne doit comporter que les ouvrages devant figurer dans la bibliographie courte que nous venons de décrire.

Une seconde liste d’ouvrage incorporait les ouvrages plus anciens ou plus complexes. Elle pourrait par exemple être désignée par « pour approfondir la matière » ou « pour approfondir vos connaissances ».