Lire dans les yeux d’une victime pour identifier son meurtrier

Dans l’histoire des enquêtes criminelles, les chercheurs et enquêteurs ont exploré des techniques surprenantes pour identifier les coupables. Parmi elles, une théorie aussi fascinante qu’étrange a longtemps intrigué : celle selon laquelle les yeux d’une victime pourraient contenir les dernières images qu’elle a vues avant de mourir, révélant ainsi potentiellement l’identité de son meurtrier.

Ce concept, connu sous le nom d’optographie, a captivé l’imagination des scientifiques au XIXe siècle et a même été testé dans plusieurs affaires criminelles. Mais jusqu’où cette idée a-t-elle été prise au sérieux et peut-elle réellement fonctionner ?

1. L’origine fascinante de l’optographie

Le concept d’optographie trouve ses origines au XVIIe siècle, lorsqu’un prêtre jésuite, Christoph Scheiner, déclara avoir observé une image sur la rétine d’une grenouille disséquée. Cette découverte, bien que rudimentaire, sema l’idée que la rétine pouvait fonctionner comme une sorte de « caméra naturelle », capturant la dernière chose vue par un être vivant avant sa mort.

C’est au XIXe siècle, avec les expériences du physiologiste allemand Wilhelm Friedrich Kühne, que l’optographie prit véritablement forme. Kühne entreprit de démontrer cette théorie en réalisant des expériences sur des lapins et des grenouilles. Il exposait ces animaux à des images lumineuses avant de les tuer, puis extrayait leurs yeux pour tenter de fixer les dernières images capturées par leur rétine. À sa grande surprise, il réussit à produire des images vagues, appelées optogrammes, notamment celle d’une fenêtre à barreaux que l’un des lapins avait regardée avant sa mort.

2. L’application en criminologie : mythe ou réalité ?

Suite aux expériences de Kühne, l’optographie attira l’attention des forces de l’ordre, des médecins légistes et des enquêteurs criminels. L’idée que l’on pourrait révéler l’identité d’un meurtrier simplement en examinant les yeux de la victime semblait presque trop belle pour être vraie. Pourtant, au XIXe siècle, cette théorie fut suffisamment crédible pour être sérieusement envisagée.

Des essais ont été menés dans des affaires criminelles notoires. En 1888, les enquêteurs auraient essayé de capturer un optogramme des yeux de Mary Jane Kelly, l’une des victimes du tristement célèbre Jack l’Éventreur. Malheureusement, aucun résultat exploitable ne fut obtenu. De la même manière, en 1914, un optogramme fut présenté comme preuve dans une affaire de meurtre, mais cette tentative échoua également à fournir des informations concluantes.

La principale raison de ces échecs réside dans les différences biologiques entre les yeux des animaux et des humains. Les expériences réussies de Kühne sur les lapins furent difficiles à reproduire chez les êtres humains. La fovea centralis, la zone de la rétine responsable de la vision la plus nette, est beaucoup plus petite chez les humains, limitant la capacité à fixer une image claire. De plus, le processus chimique qui permettait de fixer les images sur la rétine n’était pas assez précis pour capturer des détails significatifs sur des sujets humains.

3. L’impact de l’optographie sur la culture populaire

Bien que scientifiquement discutable, l’optographie a laissé une marque durable sur la culture populaire et a alimenté l’imaginaire collectif. Ce concept est souvent repris dans des œuvres de fiction, des films et des livres, où l’on utilise la rétine d’une victime pour résoudre des mystères ou capturer des images d’un crime. Cette fascination trouve peut-être son origine dans notre désir de voir la science triompher du crime, en fournissant des preuves irréfutables à partir des éléments les plus inattendus.

Dans certains films de science-fiction, les enquêteurs parviennent à découvrir les derniers instants d’une victime simplement en analysant ses yeux. Ces récits continuent d’alimenter l’espoir d’un avenir où la science oculaire pourrait effectivement devenir un outil de résolution de crimes, mais pour l’instant, ce domaine relève encore de la fiction.

4. Les alternatives modernes en forensique

Si l’optographie n’a pas tenu ses promesses, elle a néanmoins contribué à l’évolution des sciences judiciaires. Aujourd’hui, d’autres technologies plus fiables sont utilisées pour identifier les criminels, telles que l’analyse ADN, les empreintes digitales et les caméras de surveillance.

Cependant, l’œil humain n’a pas été complètement écarté de la scène criminelle. L’analyse oculaire, bien que différente de l’optographie, est parfois utilisée pour observer des traumatismes ou des substances qui peuvent révéler des informations cruciales dans une enquête. Les experts en médecine légale utilisent également la rétine pour déterminer des informations comme l’heure exacte de la mort.

5. Sélection d’ouvrages pour les passionnés de criminologie

Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur les techniques modernes d’investigation, voici une sélection de livres essentiels. Que vous soyez amateur de fiction criminelle ou curieux des sciences forensiques, ces ouvrages vous permettront d’explorer l’univers fascinant de la criminalistique.

Petit manuel de criminalistique – Éric Dupuis : ce guide pratique vous plonge dans les techniques de la criminalistique, une lecture incontournable pour mieux comprendre les méthodes d’enquête scientifique.

Traité de médecine légale et criminalistique – Jean-Pol Beauthier : un ouvrage de référence pour découvrir les bases et les avancées de la médecine légale, une discipline clé dans les enquêtes criminelles.

La criminologie – Maurice Cusson et Raymond Boudon : ce livre explore les théories et les pratiques de la criminologie, offrant une analyse approfondie des comportements criminels et des réponses sociales.

6. Une curiosité scientifique aux limites de la fiction

Bien que l’idée de révéler l’identité d’un meurtrier à travers les yeux d’une victime relève aujourd’hui davantage de la science-fiction que de la réalité scientifique, l’optographie a suscité des débats passionnants à son époque. Elle illustre à quel point la science et la criminologie peuvent parfois se croiser pour donner naissance à des idées fascinantes, même si elles ne tiennent pas toujours leurs promesses.

L’histoire de l’optographie nous rappelle également que la quête de la vérité dans les enquêtes criminelles est en constante évolution. À mesure que la technologie progresse, qui sait quelles découvertes fascinantes nous attendent ? Pour l’instant, les yeux d’une victime ne peuvent pas révéler leur meurtrier, mais la science continue de repousser les frontières du possible.

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