Cumul d’emplois : comment les fonctionnaires sont maintenus dans la précarité

Publié le 26 novembre 2024,
Mis à jour le 06 juillet 2025.

Le licenciement d’une agente municipale de Toulon pour avoir exercé une activité de voyance lors de salons spécialisés a mis en lumière une question brûlante : les restrictions imposées aux fonctionnaires pour cumuler leur emploi avec une activité annexe. Si ces règles visent à éviter les conflits d’intérêts, elles révèlent aussi un malaise social plus large, marqué par la précarité de certains salariés du secteur public et l’apparente contradiction avec les pratiques d’une partie des élus.

1. Un licenciement révélateur : le cas de la voyante de Toulon

L’affaire de la voyante toulonnaise commence lorsque la mairie de Toulon apprend, via les réseaux sociaux, qu’une de ses agentes, adjoint administratif principal de 2e classe, pratique la voyance. Cette activité, exercée le week-end lors de salons spécialisés et pour son entourage, a rapidement attiré l’attention des autorités locales.

En septembre 2021, un huissier est mandaté pour constater sa participation au Salon du bien-être de Six-Fours, une commune voisine. Sur cette base, la mairie décide en février 2022 de révoquer l’agente municipale, justifiant cette mesure par un cumul d’activités privées lucratives non autorisé ni déclaré.

Fonctionnaire révoquée pour activité de voyance lors d’un salon
Une fonctionnaire municipale sanctionnée pour avoir pratiqué la voyance dans des salons spécialisés.

En outre, un titre exécutoire d’un montant de 11 000 euros est émis pour récupérer les sommes que la municipalité estime avoir versées à tort.

Ces décisions ont été contestées par l’agente devant le tribunal administratif de Toulon. Selon son avocat l’activité de voyance constituait un loisir non lucratif et non un emploi secondaire.

Le 4 octobre 2024, le tribunal a tranché en faveur de la commune, confirmant la révocation et l’obligation de remboursement.

2. La précarité des agents publics : entre règles strictes et double standard

Selon la grille indiciaire relative au grade d’adjoint administratif principal de 2e classe, consultable sur le site emploi-collectivites.fr, la rémunération brute mensuelle de l’agente révoquée oscillait probablement entre 1 800 et 2 100 euros, en dehors d’éventuelles primes ou indemnités. Ces montants, bien qu’arrondis, restent inférieurs à la rémunération brute mensuelle médiane dans la fonction publique territoriale.

Cela pose une question légitime : pourquoi une agente publique, vraisemblablement mal rémunérée, ne pourrait-elle pas compléter ses revenus avec une activité qui n’impacte pas son travail principal ? Cette interrogation s’étend à l’ensemble des fonctionnaires aux revenus modestes.

En effet, ces derniers, soumis à des salaires souvent figés, doivent obtenir une autorisation formelle pour exercer une activité complémentaire. Cette autorisation, renouvelable tous les trois ans, reflète une volonté de contrôle stricte. Pourtant, ces règles placent de nombreux agents dans une situation de dépendance économique, d’autant plus lorsque cela concerne les fonctions les moins rémunérées.

À l’inverse, nombreux sont les élus qui cumulent des mandats malgré la législation ayant restreint ces possibilités. Certains restent, par exemple, à la fois députés et conseillers régionaux. D’autres, en plus de leurs fonctions d’élus, détiennent des mandats dérivés, comme des présidences de sociétés d’économie mixte.

Ce contraste illustre une inégalité de traitement et un manque de cohérence : alors que les élus jonglent souvent avec plusieurs casquettes, les agents publics doivent se conformer à des règles restrictives, qui ne font qu’accentuer leur précarité.

En d’autres termes, ceux qui gagnent le moins sont soumis aux règles les plus rigoureuses, tandis que ceux qui gagnent le plus profitent d’une grande flexibilité pour diversifier leurs activités et élargir leur réseau professionnel. Cette double échelle traduit une discrimination structurelle qui mériterait une profonde réforme.

3. Produits recommandés pour l’exercice d’une activité accessoire

Pour ceux qui souhaitent allier travail et passion tout en respectant les obligations administratives, voici quelques suggestions pratiques :

Livre journal des achats : Un outil essentiel pour suivre vos dépenses professionnelles en toute simplicité. Voir sur Amazon.

Livre journal des recettes : Idéal pour garder une trace claire et ordonnée de vos revenus. Voir sur Amazon.

Top’Actuel Micro-entrepreneur : Ce guide complet explique le fonctionnement du régime du micro-entrepreneur et les démarches à suivre. Voir sur Amazon.

Ces ressources vous aideront à gérer efficacement votre activité complémentaire tout en respectant la réglementation en vigueur.

4. Une réforme indispensable

L’affaire de la voyante de Toulon met en lumière l’urgence de réviser la réglementation sur le cumul d’activités des fonctionnaires. Ce système rigide, marqué par des restrictions obsolètes, maintient de nombreux agents publics dans une précarité économique injustifiable.

Les contraintes actuelles :

Ignorent les réalités économiques : face à l’inflation et à des salaires souvent insuffisants, de nombreux fonctionnaires se retrouvent limités dans leurs possibilités d’améliorer leur situation financière.

Renforcent une inégalité de traitement avec les élus : ces derniers, susceptibles de cumuler plusieurs mandats et fonctions, bénéficient d’une flexibilité refusée aux agents publics.

Freinent l’épanouissement personnel : les passions, loin d’être incompatibles avec la productivité, devraient être reconnues comme un enrichissement potentiel pour les individus et la société.

Une réforme est essentielle pour réconcilier équité et efficacité. Au lieu de sanctionner des initiatives personnelles, pourquoi ne pas les encourager et les encadrer de manière constructive ? En modernisant ces règles, il est possible de mieux répondre aux enjeux contemporains tout en valorisant le potentiel humain des agents publics.

5. Même les revenus locatifs sont concernés

Plus récemment, le cas de Delphine, ancienne employée de la CPAM du Puy-en-Velay, révèle une nouvelle facette inquiétante du régime de non-cumul d’activités imposé à certains agents du secteur public : même les revenus tirés d’une location ponctuelle de type Airbnb peuvent être sanctionnés.

Fonctionnaire licenciée pour revenus issus d’une location Airbnb
Illustration de l’affaire d’une agente de la CPAM licenciée pour avoir mis en location une partie de sa maison sur Airbnb sans autorisation.

Delphine travaillait depuis 17 ans dans cette caisse d’assurance maladie, à temps partiel (80 %). En parallèle, avec son mari, elle louait une partie de leur maison via des plateformes comme Airbnb ou Booking. Une démarche qu’elle considérait comme une gestion patrimoniale privée, destinée à financer des travaux et à arrondir les fins de mois, comme le font des milliers de foyers en France.

Mais pour son employeur, cette activité constituait une entorse aux règles de non-cumul. À l’occasion d’une demande de la CPAM pour qu’elle passe à temps plein, la direction lui a adressé une mise en demeure : cesser immédiatement cette activité dans un délai de huit jours. Delphine a refusé, estimant qu’il ne s’agissait ni d’un emploi secondaire, ni d’une activité lucrative classique, mais d’un revenu passif sans lien avec ses fonctions à la CPAM, et sans incidence sur son travail, position partagée par le conseil de discipline.

Elle a pourtant été licenciée sans préavis, dans une procédure brutale. Les prud’hommes, saisis par Delphine, ont confirmé la légalité du licenciement en première instance. Elle a fait appel. L’issue de cette procédure n’est pas encore connue à ce jour.

Ce cas illustre une extension préoccupante des restrictions liées au cumul d’activités : ce ne sont plus seulement les métiers secondaires visibles (comme la voyance dans l’affaire de Toulon), mais aussi des revenus considérés comme passifs, privés, familiaux, qui tombent désormais sous le coup de la réglementation.

6. Points à retenir

• Des restrictions strictes : les fonctionnaires risquent des sanctions, voire un licenciement, pour toute activité annexe non autorisée, même non professionnelle (voyance, location Airbnb).

• Une précarité ignorée : malgré des salaires modestes, les agents publics ont peu de latitude pour compléter leurs revenus légalement.

• Un double standard persistant : les élus, mieux rémunérés, conservent une grande liberté de cumul malgré la législation.

• Une réforme urgente : moderniser les règles permettrait de mieux concilier équité sociale, autonomie professionnelle et efficacité administrative.

7. Liens utiles

• Article de Var Matin.

• Grille indiciaire.

• Une employée d’une CPAM licenciée pour faire de la location avec AirBnb, sur Lefigaro.fr.

Partagez votre amour